Objectif de la réforme
L'objectif de la réforme est d'envergure : à partir d'une quarantaine de régimes, passer à un régime universel dans lequel 1€ cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le métier ou le statut de l'assuré. C'est une réforme systémique et non plus paramétrique qui selon ses promoteurs a pour ambition d'être "plus lisible, plus juste et adaptée à la société de demain",
L’architecture future
Le choix se dirige vers un système par points.
Un actif accumule chaque année un certain nombre de points à partir de cotisations salariales et patronales calculées sur l'ensemble de ses revenus. Au moment de partir à la retraite, ce nombre total de points est converti en pension dont le montant dépendra de la valeur du service du point, et de divers coefficients liés à l'âge de départ à la retraite .
Le système par points, existe déjà dans des régimes complémentaires français (Retraite Additionnelle Fonction Publique, Agircc, Arrco pour le régime général), et aussi dans de nombreux pays européens (Italie, en Suède, en Allemagne).
L’ensemble des salariés, y compris les fonctionnaires, serait versé progressivement dans ce nouveau régime à partir de 2025 sur une période pouvant aller jusqu’à dix ans.
Le choix de la répartition et non de la capitalisation a été réaffirmé à plusieurs reprises.
Des notions appelées à disparaître
→ La durée de cotisation obligatoire, qui va aujourd'hui de 41,5 à 43 ans. C'est le nombre de points qui permettra un arbitrage personnel : « j'ai assez de points, ma retraite me paraît suffisante, donc je pars. A l'inverse, je n'ai pas assez de points, je reste »,
→ Avec la disparition de la durée de cotisations c'est la décote et la surcote qui disparaitront également mais aussitôt remplacées par un système de coefficient de minoration ou de majoration lié à votre âge de départ affecté à la valeur du service du point,
→ La référence aux 6 derniers mois ou aux 25 meilleures années. C'est la valeur du service du point au moment du départ éventuellement minoré ou majoré qui, multipliée par le nombre de points acquis durant sa vie professionnelle, déterminera le montant de votre pension
→ À l'inverse, la réforme prévoit de maintenir l'âge minimum de départ à la retraite, c'est-à-dire 62 ans : « Nous avons besoin de garder un seuil en dessous duquel ils ne peuvent pas partir pour éviter que cela pèse sur la solidarité nationale », a précisé le Haut Commissaire.
Des questions et les inquiétudes qui en découlent
→ La fin de la prise en compte des « aléas de carrière ». Les régimes par points risquent de faire la part belle au « tout contributif », avec des droits qui découleraient uniquement des cotisations versées. C'est un écueil principal à éviter. Le gouvernement proposera-t-il un système où sont maintenus des mécanismes de solidarité, comme le minimum garanti, l'attribution de points gratuits pendant les périodes de chômage, de maladie, d'invalidité, de congé maternité, de temps partiel pour élever des enfants,... ? Derrière la mise en place d'un tel système, peut se cacher une régression en fonction des redistributions qu'il incorpore ou pas. Pour notre part, nous sommes favorables au maintien et au renforcement des mécanismes de redistribution, notamment en direction des carrières incomplètes et des basses pensions"
→ Incertitude sur la valeur finale du point .Dans un tel régime, le montant de la pension ne peut être connu qu'au moment du départ à la retraite, grâce à la valeur du pointen vigueur à cette date. Or, cette valeur peut être une variable d'ajustement pour compenser d'éventuels déséquilibres du régime. Dans l'absolu, et sans garanties précises, la valeur du point pourrait donc chuter et réduire le montant des retraites.
→ Le gouvernement pourrait profiter de cette réforme pour abandonner certains acquis, comme par exemple la majoration de 10 % pour les assurés ayant eu au moins trois enfants ou encore le principe de la réversion dont les récentes déclarations pour le moins contradictoires des membres du gouvernement sèment le trouble. On peut toujours craindre que ce changement soit l'occasion de passer à la trappe des correctifs familiaux.
→ Le passage d'un système à l'autre. Va-t-on vers une intégration des systèmes existants dans le système universel sur plusieurs années. Comment alors prendre en compte les revenus qui jusqu'en 2005 n'ont été soumis à aucune cotisation (ex les indemnités et primes dans la fonction publique ?
Va-t-on faire coexister plusieurs systèmes pour les personnes déjà en activité au risque alors de compliquer une situation qu'on prétend simplifier.
Le nouveau système ne concernera que ceux qui entrent dans la vie active à partir de 2025. Comment assurer la retraite des autres ?
Autant de questions et d'incertitudes qui font dire à Mr Delevoye : « Ma crainte, c’est que le système ne soit pas juste, pas simple et pas équilibré financièrement »
Calendrier
Quatre étapes sont retenues :
-Jusqu’en décembre 2018 : concertation avec les partenaires sociaux et participation citoyenne sur une plateforme dédiée. Une plateforme participative est accessible à https://participez.reforme-retraite.gouv.fr/ jusqu’au 25 octobre 2018. 11 consultations thématiques sont en ligne, du choix du système à la nécessité d’une pension de réversion, en passant notamment par la prise en compte du handicap et des aidants familiaux. Il est possible de s’inscrire à un des huit ateliers en régions, seulement cent participants seront retenus pour chacun d’eux. Nous vous invitons fortement à aller sur ce site et donner votre avis. Si l'on souhaite être écouté, il faut se faire entendre !
-Début 2019 : présentation des orientations de la réforme, nouvelle phase de concertation et mise en ligne d’un simulateur permettant la comparaison des droits avant et après la réforme.
-Été 2019 : examen du projet de loi par le Parlement.
-2025 : application de la réforme.
Analyse de l'Unsa
L’Unsa n’est pas demandeuse d’un changement systémique du fonctionnement des retraites.
L'Unsa a fait part de ses fortes interrogations sur le calendrier présenté. Celui-ci est particulièrement contraint au regard du chantier qui s'annonce. Pour l'Unsa, il apparaît extrêmement difficile de pouvoir, en moins de six mois, mettre à plat un système de retraites qui s'est construit en plus de 70 ans.
La situation telle qu'elle est présentée nous apparaît particulièrement orientée, voire même à charge. Si son histoire de constructions successives l'a rendu complexe, peu lisible et parfois source d'injustice, il n'en est pas moins globalement redistributif et solidaire. En cela, il répond aux objectifs qui lui ont été assignés par le législateur. Bien que la multiplicité des régimes soit une réalité qui pose problème pour les polypensionnés, les différentes réformes se sont traduites par la mise en œuvre de convergences fortes.Au niveau budgétaire, elles ont permis d'améliorer les soldes, écartant aujourd'hui tout risque de dérapage. Tous ces éléments interrogent sur la volonté qui pousse le gouvernement à vouloir réformer à marche forcée.
Néanmoins, fidèle à sa conception d'un syndicalisme utile, soucieuse de défendre et de faire vivre le dialogue social et si besoin l'imposer, l’Unsa s'engage, participe à la concertation et est particulièrement vigilante à ce que cette réforme :
→ ne soit pas un moyen détourné de liquider les statuts particuliers dont la justification est dans le service d’intérêt général,
→ne remette pas en cause la répartition, seule garante d’une véritable solidarité intergénérationnelle,
→ne se traduise pas par des baisses massives du niveau des revenus de remplacement,
→n’aboutisse pas à moins de solidarité, ce qui déboucherait, de fait, sur moins de justice sociale.
Le 29/06/2018, Robert LAUGIER - Délégué « retraites & retraités » Se-Unsa 83